ISSN: 1983-6007 N° da Revista: 06 Setembro de 2008 à Dezembro de 2008
 
   
 
 
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Lieux et liens (Places and Links)

 
   
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Maria Sueli PERES

 
 

Psychanalyste membre de l’ECF et de l’AMP.

Françoise GERARD

Psychomotricienne. Consultantes au Gerseau,
dans le cadre du Centre de Guidance de Braine L’Alleud.

 
     
     

. Résumé: ruptures et jeu sont les deux signifiants qui interviennent dans le traitement de la déprise symbolique de Laurie.
Au départ une petite fille au visage pâle et inexpressif, au corps immobile, avec son regard que ne suivait pas le mouvement des corps et ne réagissait pas au son des voix. Seules ses mains étaient animées et manipulaient des petits objets. Peu à peu Laurie va consentir à se servir de ses liens et de ses lieux pour faire de son existence quelque chose de compatible avec la vie sociale.
. Mots clefs ruptures, jeu et lien social.

. Summary: ruptures and play are the two meanings involved in the treatment of symbolic abandonment of Laurie.
Initially a little girl showing a pale and inexpressive face, and a motionless body whose eyes don’t follow his movement, neither react to the sound of voices. Only his hands use to move and manipulate small objects. Gradually Laurie will consent to use her links and places to make of her life something compatible with social life.
. Keywords: break, play and social bonds.

. Quand nous pensons à Laurie telle que nous l’avons vu la première fois dans la salle d’attente , nous voyons une belle petite fille de deux ans et huit mois. Belle comme une poupée au visage pale et inexpressif, au corps immobile, avec son regard qui ne suivait pas le mouvement de nos corps et ne réagissait pas au son de nos voix. Seules ses mains étaient animées et manipulaient des petits objets.

. Un désir

. Si nous prenons appui sur les mots pour dire quelque chose de sa destinée familiale, le premier mot qui nous vient est : « ruptures. » Cela parce que le peu que nous savons de Laurie est que, dès sa naissance, sa vie a été faite d’une série de ruptures dramatiques au niveau familial : avec sa mère, avec son père, avec sa fratrie et avec les différentes personnes qui ont pris soin d’elle. C’est donc de ses ruptures dramatiques avec ses proches que la mère d’accueil nous parle lorsqu’elle nous demande de recevoir Laurie. Dès le départ, elle nous indique combien il est difficile pour elle d’élever Laurie toute seule sans avoir en échange ni regard, ni mot, ni sourire spontané venant de l’enfant. Elle nous dit aussi que, malgré cette difficulté, elle est prête à poursuivre son action et à relever le défi d’éduquer Laurie. Nous précisons notre façon de fonctionner et elle nous demande de bien vouloir l’accompagner dans la tâche d’éduquer Laurie ce dont nous prenons acte.

. Une question

. Pour y répondre, notre premier pas a été d’inclure l’autorité de tutelle chargée d’accompagner Laurie jusqu’à sa majorité et d’insister auprès de la mère d’accueil, sur l’importance de s’y référer, tout en lui proposant de nous tenir au courant de nos démarches mutuelles. Ceci étant acquis, nous avons décidé de prendre appui sur cette demande de guidance éducative de sa mère d’accueil pour offrir à Laurie l’occasion d’une rencontre. Au cours de cette première séance nous constatons qu’aucun son n’est sorti de la bouche de Laurie et qu’à aucun moment de la conversation elle n’a tourné la tête pour regarder vers l’une de nous.

. Dans l’après-coup de cette séance, en réunion clinique, nous nous sommes posé la question suivante : dans les conditions que nous avons observées pendant cette première rencontre, pouvons-nous parier sur l’énonciation de Laurie au-delà de ses arrimages réels et imaginaires, pour l’inviter à entrer dans le jeu du langage commun qui lie les humains ? En nous posant la question nous avons garanti pour Laurie l’occasion d’une rencontre.

. Entrer dans son jeu

. Sur quoi avons-nous pris appui pour rencontrer Laurie ? Sur le fait que dès ce premier entretien, il s’est créé entre nous deux un accord : nous nous sommes accordées sur le fait que Laurie, bien sûr, ne nous avait adressé aucune demande, mais elle nous a permis de considérer d’emblée qu’elle n’avait pas refusé notre présence. L’accompagnement de Laurie a pu être engagé à partir du moment où nous nous sommes aperçues qu’une fois la porte du bureau fermée, et avant même que la conversation ne s’engage entre les adultes, elle s’est isolée et a pris appui sur quelques petits objets en nous tournant le dos. Une relation a pu s’établir alors, lorsque nous avons convenu, pour inclure Laurie dans des propos de sa mère d’accueil la concernant, de nommer cette manipulation jeu. Certes, cette manipulation n’était pas partageable, mais, via le dit qui a nommé notre accord, un cheminement avec d’autres a pu s’ouvrir pour elle. En nommant cette manipulation d’objets jeu, nous avons donné sens à l’activité qui servait de protection à Laurie et nous l’avons autorisée ainsi à créer un lieu et un lien de dialogue avec nous.

. Au fil des séances, la distance mise entre nos corps, les échanges de regards et la ponctuation de nos paroles ont rendu possible une mise en scène où se condensaient le respect du jeu solitaire de l’enfant et une demande discrète et constante de notre part, afin qu’elle puisse nous inviter à entrer dans son jeu. Ceci, sous le regard de la mère d’accueil. Pendant ce temps, nous lui adressions la parole tout en acceptant son seul silence comme réponse.

. La société des signifiants

. En même temps, hors séance, un dialogue constant a pu être créé et maintenu entre quelques adultes de diverses institutions, pour dire les besoins effectifs de Laurie et trouver pour eux des réponses adéquates ; pour échanger des mots de satisfaction sur ses acquis et pour faire un pari ensemble sur le développement de ses possibilités. Ces adultes ont consenti en articulant pour elle soins vitaux et parole, avec une certaine constance. Depuis lors, comme pour chaque enfant, cette parole engagée ne circule pas de façon lisse entre ces adultes. Elle comporte toute une série de difficultés et d’aspérités propres aux limites de chacun et aux exigences institutionnelles qui régulent leur vie. Ce que nous demandons à Laurie c’est de trouver une manière de composer avec ces difficultés et aspérités des adultes entre eux.

. Depuis, Laurie fait usage des mots. Elle prend un plaisir discret à les prononcer. En séance, à ses mots, nous tâchons de donner le statut de phrase. Elle prend, par exemple, une boîte de jeu et souhaite avoir accès au contenu ; elle peut nous regarder en souriant et nous dire : « Ouvrir ? » Lorsque nous prenons la boîte qu’elle nous tend et lui demandons : « Veux-tu que j’ouvre la boîte pour toi ? », elle peut dire, en nous regardant ou non : « Oui », et avec des mouvements des mains articulés au regard de celle qui pose la question, nous inviter à jouer avec elle, ouvrant ainsi un espace de conversation. Dans le mouvement de ces moments de jeu, elle a eu beaucoup de mal à ne pas mettre des petits objets en bouche et à ne pas les avaler. Invitée par l’une d’entre nous elle accepte de les déposer dans le creux de nos mains et sourit soulagée lorsque nous la remercions. Elle poursuit, ensuite le mouvement engagé dans le jeu jusqu’à un certain aboutissement. Depuis un bout de temps, tout est occasion pour elle de nous inviter à jouer : dans les escaliers que nous montons parfois à six mains ; ou autour d’un objet : dessin (cercle, traits et bonhomme), comptine, cerceaux, blocs de psychomotricité, manipulation de la plasticine, circuit de voitures, etc. Mais, elle prend un objet à la fois. C’est la règle établie et à laquelle nous tâchons d’obéir ensemble. Nous veillons à garantir sa permanence.

. Dire oui, dire non

. Il y a quelque temps, elle a abandonné ses comportements adaptés et l’expression d’une très grande détresse est venue marquer son visage. Mais dans le même temps, elle ne tourne plus autour d’elle-même en criant et ne s’en va plus dès qu’un adulte ne la retient pas. En séance, nous pouvons lire maintenant, sur ses traits, des moments de plus en plus longs où une certaine joie peut venir dessiner les contours de son visage. Un sourire partagé peut alors venir ponctuer nos échanges. En s’adressant à nous elle peut aussi bien soutenir le regard ou l’esquiver, sourire ou se fâcher. Dans ce cas, elle peut dire non ou se mettre à gémir. Alors, elle retourne à ses manipulations. Mais, à présent ces moments d’isolement sont devenus brefs et espacés. Nous constatons aussi, avec soulagement, qu’elle ne trouve plus que très rarement une issue à sa détresse dans l’excitation incontrôlée de certaines parties de son corps.

. Laurie consent peu à peu à se servir de ces lieux et de ces liens à partir de ce nouveau qu’elle a su créer avec quelques adultes, pour faire de son existence quelque chose de compatible avec la vie sociale.

. Bibliographie:

LACAN, J. (2001) Autres Ecrits, « Allocution sur les psychoses de l’enfant », pages 361 à 371, ed. du Seuil, Paris.
LACAN, J. (2001) Autres Ecrits, « Note sur l’enfant », pages 373, 374, ed. du seuil, Paris.
MILLER, J-A. Quarto n° 88-89, « L’enfant, une réponse du réel », pages 21 et 22.
COTTET, S. (2006) La Petite Girafe n° 24, « Le père eclaté » pages 47 à 54, octobre 2006.
BAIO, V. La Petite Girafe n°20, « La demande des parents » pages 28 à 36.
ZENONI, A. (1994) Les feuillets du Curtil n° 8/9, « Inventer une institution », pages 213 à 219, juin 1994.

 

(1) Centre de Guidance de Braine L’Alleud, service de santé mentale ambulatoire subsidié par la Région Wallonne – Belgique, dans le cadre de l’activité du GERSEAU, service de consultation à partir du lieu de vie de l’enfant de 0 à 6 ans.

 
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